Grâce aux dieux! Mon malheur passe mon espérance
Oui je te loue, ô ciel! De ta persévérance
Appliqué sans relâche au soin de me punir
Au comble des douleurs tu m'as fait parvenir
Ta haine a pris plaisir à former ma misère
J'étais né pour servir d'exemple à ta colère
Pour être du malheur un modèle accompli
Hé bien, je meurs content, et mon sort est rempli
Où sont ces deux amants? Pour couronner ma joie
Dans leur sang, dans le mien, il faut que je me noie ;
L'un et l'autre en mourant je les veux regarder
Réunissons trois coeurs qui n'ont pu s'accorder
Mais quelle épaisse nuit tout à coup m'environne?
De quel côté sortir? D'ou vient que je frissonne?
Quelle horreur me saisit? Grâce au ciel j'entrevoi
Dieux! Quels ruisseaux de sang coulent autour de moi !
Quoi, Pyrrhus, je te rencontre encore ?
Trouverai-je partout un rival que j'abhorre ?
Percé de tant de coups comment t'es tu sauvé ?
Tiens, tiens voilà le coup que je t'ai réservé
Mais que vois-je? À mes yeux Hermione l'embrasse !
Elle vient l'arracher au coup qui la menace ?
Dieux, quels affreux regards elle jette sur moi !
Quels démons, quels serpents traîne-t-elle après soi ?
Eh bien, filles d'enfer, vos mains sont-elles prêtes ?
Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ?
À qui destinez-vous l'appareil qui vous suit ?
Venez-vous m'enlever dans l'éternelle nuit ?
Venez, à vos fureurs Oreste s'abandonne
Mais non, retirez-vous, laissez faire Hermione
L'ingrate mieux que vous saura me déchirer
Et je lui porte enfin mon coeur à dévorer