Huit heures cinq, je suis sur la plage
Le soleil dort encore dans son sac de couchage.
J'suis seul avec le bruit des vagues
Avec le bruit du vent qui rêve et qui divague.
Huit heures vingt-cinq, comme d'habitude
La nénette au teckel étend sa solitude.
Devant l'Optimist amarré, à l'endroit où le sable est mouillé de marée.
Huit heures trente, c'est l'heure du footing matinal
Du barbu qu'est gardien du camping.
Il est suivi par deux mésanges en slip rose.
Elles passent pas d'habitude, les temps changent.
Et bien qu'j'sois tout près comme chaque jour
La nénette au teckel me dit même pas bonjour.
Elle ouvre son roman policier quotidien.
J'ai rien à foutre, est-ce qu'elle est mariée?
Huit heures quarante, à moitié mort
C'est l'champion du windsurf qui s'dirige vers le bord.
Avant qu'son machin soit hissé
On a l'temps d'voir venir, il sera neuf heures passées.
Et sur le sable juste à côté d'la nénette au teckel, y a un coeur dessiné.
RF ça fait Renée François
Pas République Française, fin d'boum, ça va de soi.
Neuf heures moins le quart, si j'm'écoutais
J'piquerais bien une petite tête pour m'refaire une santé.
Mais j'attends qu'ils mettent les drapeaux
Des fois qu'on n'ait pas l'droit, j'veux pas risquer ma peau.
Décidément elle me plaît bien
La nénette au teckel, si y avait pas son chien.
Y a une guêpe qui lui tourne autour.
Saloperie de bestiole, sûr qu'ça va être mon tour.
Neuf heures moins cinq, tennis en main
Le vieux play-boy sur le retour fait son p'tit bout de chemin.
Les lunettes à la Paul Newman, pantalon de survêt' et tee-shirt Superman.
Et bien qu'il ralentisse le pas
La nénette au teckel ne le regarde même pas.
Avec son caniche troisième âge
L'air de rien, il s'en fout, il cueille des coquillages.
Neuf heures, l'mec au wind fait trempette.
Tiens, y a l'institutrice qui passe en bicyclette.
J'l'avais jamais vue en maillot.
Pas mal la p'tite instit', si y'avait pas son vélo.
Voile dans l'air, voile dans l'eau devant
La nénette au teckel, Mister wind cherche le vent.
Mais d'ici qu'il se soit lancé
On a l'temps d'voir venir, il sera dix heures passées.
Neuf heures dix, guitare sur le dos
V'là les zouaves d'aujourd'hui dans leurs blue-jeans crado.
Neuf heures vingt, dans leur camionnette
C'est les flippés du self qui poursuivent une minette.
Et planqué derrière le bateau
D'la nénette au teckel, un mec prend des photos.
Quelle merde ces plages, c'est plein d'beatniks
Sans parler des capotes et des sacs en plastique.
Bientôt dix heures et sur la plage
Le soleil est sorti de son sac de nuages.
Les gens sortent avec le soleil
Et poussés par le vent, les voiliers font pareil.
Petit à p'tit, en rangs d'oignons
Les parasols en fleurs poussent comme des champignons
Et puis les drapeaux verts qui flottent
Et les crânes qui se frottent et qui flottent sur la flotte.
Le type au wind a décollé, attention les baigneurs, dérapage contrôlé.
Parée pour l'équipée sauvage, la colo s'fout à l'eau en gilet de sauvetage
Et les gosses qui empilent des pneus
Les fils de cerf-volant qui s'cassent et s'font des noeuds
Et puis la nénette au teckel
Qu'arrête pas d'bouquiner, qu'en finit pas d'être belle
Et puis les bronzés de service
Qui font bisquer les blancs et les rouge écrevisses.
Et puis la valse des torchons
La valse des nichons et celle des vieux cochons.
Bientôt onze heures et sur le sable
Y'a plus d'place pour rêver sur les matelas gonflables.
Bientôt onze heures, il se fait tard
La nénette au polar s'barre avec son clébard.
Onze heures moins cinq, comme chaque matin
Un marchand de chouchous balade son baratin.
Onze heures, fini pour aujourd'hui
Plus d'nénette au teckel, y a trop d'monde, je m'ennuie.