La rumeur ouvre ses ailes, elle s'envole à travers nous
C'est une fausse nouvelle mais si belle, après tout
Elle se propage à voix basse, à la messe et à midi
Entre l'église et les glaces, entre confesse et confit
La rumeur a des antennes, elle se nourrit de cancans
Elle est bavarde et hautaine et grandit avec le temps
C'est un arbre sans racines, à la sève de venin
Avec des feuilles d'épines et des pommes à pépins
Ça occupe, ça converse, ça nourrit la controverse
Ça pimente les passions, le sel des conversations...
La rumeur est un microbe, qui se transmet par la voix
Se déguise sous la robe de la vertu d'autrefois
La parole était d'argent mais la rumeur est de plomb
Elle s'écoule, elle s'étend, elle s'étale, elle se répand
C'est du miel, c'est du fiel, on la croit tombée du ciel
Jamais nul ne saura qui la lance et qui la croit...
C'est bien plus fort qu'un mensonge, ça grossit comme une éponge
Plus c'est faux, plus c'est vrai, plus c'est gros et plus ça plaît
Calomnie, plus on nie, plus elle enfle se réjouit
Démentir, protester, c'est encore la propager
Elle peut tuer sans raison, sans coupable et sans prison
Sans procès ni procession, sans fusil ni munitions...
C'est une arme redoutable, implacable, impalpable
Adversaire invulnérable, c'est du vent, c'est du sable
Elle rôde autour de la table, nous amuse ou nous accable
C'est selon qu'il s'agit de quiconque ou d'un ami
Un jour elle a disparu, tout d'un coup, dans les rues
Comme elle était apparue à tous ceux qui l'avaient crue...
La rumeur qui s'est tue ne reviendra jamais plus
Dans un cœur, la rancœur ne s'en ira pas non plus.